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COMEDIANTE
13 janvier 2022

Dispositif médical.

                                        

   Je rentrai chez moi l’autre soir quand je fus brutalement attiré par ces quelques mots écrits en grosses lettres épinglées sur la porte d’entrée : Dispositif médical. A demi-surpris je m’interrogeai : Était-ce l’une de ces énigmes proposées, habituellement, par mon épouse ? Elle adorait jouer avec les énigmes et les codes secrets. Elle inventait des rébus, des mystères que je devais déchiffrer. Quelquefois elle disparaissait quelques heures ou quelques jours : « Cela entretient l’amour » affirmait-elle. Il m’arrivait de la croire…quand je rentrais complétement détruit par une dure journée.

   Donc j’entrai chez moi, sur les rotules, avec cette énigme en tête : Que voulait-elle signifier avec cette formule mystère : « Dispositif Médical » ?  

   L’entrée de l’appartement était déserte ! Mon chez moi semblait avoir déserté mon chez moi. Le salon, lui-même, était nu, vidé de l’ensemble de ses meubles ! Ainsi que la cuisine. Ainsi, que notre chambre nuptiale… comme disent les zoologistes !

   « Morbleu » me dis-je, cette fois elle a fait fort ! Je courus vers la salle de bain : Sympa elle avait laissé un tube dentifrice écrasé et ma brosse à dent. En poussant mes investigations je découvris une vielle serviette de bain qui nous servait de serpillère ! Je retournai au salon : à l’évidence elle avait oublié un antique fauteuil hérité de ma vieille tante Ursule. Au premier coup d’œil j’avais gommé le fauteuil ! Tante Ursule, je précise, exerça le curieux métier d’astiqueuse de têtes d’épingles chez un fabriquant distingué par Givenchy avant de tirer sa révérence après quarante ans de loyaux services et quelques années de douce sénilité !

   Sur le siège une feuille pliée m’attendait avec cette brève formule inscrite en script : « Dispositif Médical. »

   Que voulait-elle dire avec cette insistance ? En faisant, de plus, le vide dans notre appartement ? Deux mystères qui pouvaient être liés ? Signifiait-elle que tout « dispositif médical » était aussi insignifiant qu’un appartement vide ? Aussi inutile ? Ou bien, que notre couple n’avait pas plus de sens qu’un dispositif médical ? C’est-à-dire, si on s’arrête à cette formule publicitaire, n’avait pas plus de sens qu’un pieux mensonge qui permet à chaque fabriquant, peu regardant, d’augmenter considérablement le prix d’une marchandise très quelconque que l’on fait passer pour une merveille thérapeutique et qui ne vaut, en réalité, que quelques clopinettes ?

   Une autre solution me vint en tête : Peut-être se prenait-elle, elle-même, pour un dispositif médical ? Une manière d’agencement ou de procédé qui dispenserait des soins ? Disons qui aurait dispensé des soins dans le passé ? Aujourd’hui, fatiguée et lasse, elle aurait abandonné cette curieuse identité, pour choisir le vide et la poudre d’escampette ? L’énigme restait entière. Ou bien, encore, avec cette identité désignée comme thérapeutique, voulait-elle me signifier sa précieuse valeur « ajoutée » ?

   L’énigme restait entière. Il m’était impossible de penser. Je retournai la formule dans tous les sens : elle restait muette ! J’avisai le siège « ursulesque » et m’y écroulai. Décidément elle avait fait fort ! Je consultai mon portable : Peut-être m’avait-elle laissé un message ? Mais le portable, lui-même, resta muet ! Je songeai à me verser un verre de cognac mais, bien entendu, les alcools s’étaient envolés avec l’arrivée du dispositif médical ! Impossible, même, de me laisser aller à quelque régression orale ! Assurément elle avait balayé toute solution ! Sauf le suicide, bien entendu ! Mais se suicide-t-on pour un dispositif médical ? Assurément NON ! Le bénéfice n’en vaut pas la chandelle ! Mais point de chandelle, non plus, dans ce vide abyssal !

   Restaient, comme pour accentuer le vide, un fauteuil, une brosse à dent, un tube écrasé, une serpillère, une énigme et un mari bien marri !

……………………………………………………………………………………

   Plus tard je téléphonai à un ami. Je lui racontai mon désarroi devant l’appartement vide. En oubliant volontairement la fameuse formule. Mais je ne sais comment il la devina ! Avais-je laissé transparaître quelque chose d’approchant ? Il m’interrogea :

   -N’a-telle pas laissé un indice, quelque déclaration énigmatique, comme par exemple cet énoncé publicitaire : « Dispositif Médical » ?

   A ces mots mon sang ne fit qu’un tour ! Comment avait-il deviné ? –« Ou-oui dis-je en balbutiant. Ou-oui quelque chose comme ça… »

   -Ah bon !Je la reconnais là ! Quand elle m’a quitté cette après-midi, en se rhabillant, elle a -employé cette même formule : « Tu comprends m’a-t-elle dit, j’ai un autre amant. Tu ne m’en voudras pas ! C’est une manière de « dispositif médical » que m’a conseillé mon psy afin de soigner mes pulsions sexuelles de nymphomane. »

Marseille le 23/09/19.                                                                                       (texte déposé comme tous les textes et les dessins de ce Blog.)

 

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